Nous invitons régulièrement des entrepreneurs et des investisseurs de premier plan à partager leur expérience et leur expertise avec la communauté Stripe Atlas. Andrew Chen est associé général chez Andreessen Horowitz, où il investit dans des jeunes entreprises grand public. Auparavant, il a dirigé la croissance du nombre d’utilisateurs chez Uber, en se concentrant sur l’acquisition, l’expérience des nouveaux utilisateurs, le désabonnement, les notifications et les courriels.
Pourquoi les places de marché?
Andrew Chen a de bonnes raisons d’être optimiste quant à l’avenir des places de marché. Peu après avoir rejoint l’équipe chargée de la croissance chez Uber, l’entreprise a atteint son taux de croissance le plus élevé depuis des années. À l’époque, elle comptait plus de cent millions d’utilisateurs et dépensait près d’un milliard de dollars par an pour financer ses efforts de croissance. Alors qu’il lui avait fallu cinq ans et demi pour atteindre le milliard de courses, elle a réalisé le deuxième milliard six mois plus tard. Cette accélération et cette ampleur auraient motivé n’importe quel professionnel, mais elles ont rendu M. Chen aussi fasciné par les places de marché en tant que catégorie que par Uber en tant qu’entreprise. Dans son premier article important après avoir rejoint Uber, M. Chen a déclaré :
Du point de vue de l’expérience utilisateur, Uber fonctionne selon le principe « appuyez sur un bouton et une voiture arrive », mais d’un point de vue commercial, il s’agit d’un vaste ensemble de centaines de places de marché locales dans près de 70 pays. Chaque place de marché est bilatérale, avec des passagers et des chauffeurs, et possède ses propres effets de réseau déterminés par les temps de prise en charge, la densité de couverture et le taux d’utilisation.
Des années plus tard, Chen se considère comme un investisseur, un conseiller et un étudiant assidu des places de marché. « Au cours de la dernière décennie, bon nombre des entreprises les plus prospères, telles qu’Airbnb, Uber et Etsy, étaient des places de marché. Et si l’on examine l’ensemble du secteur, il y a également eBay et des entreprises qui ont évolué vers des places de marché, comme Amazon », explique M. Chen. « Les places de marché sont le secteur le plus attractif de ces dernières décennies et l’un des meilleurs depuis le début d’Internet. Je sais que cela fixe des attentes élevées, mais, en tant que catégorie, les places de marché peuvent placer la barre très haut, et elles l’ont fait. »
M. Chen a écrit de nombreux articles sur les places de marché et sur une caractéristique qui les rend particulièrement puissantes : les effets de réseau. Il s’agit du phénomène selon lequel le réseau prend de la valeur pour les utilisateurs au fur et à mesure que le nombre d’utilisateurs augmente. Comme le prouvent de nombreuses jeunes entreprises, les effets de réseau ne sont pas exclusives aux places de marché en ligne, mais, en tant que modèle économique, les places de marché disposent intrinsèquement de plus de leviers pour stimuler les effets de réseau. Selon M. Chen, il existe quatre leviers d’effets de réseau qui sont essentiels pour les places de marché :
- Promotion du produit = promotion de la place de marché : « Dans sa forme la plus élémentaire, une place de marché est une plateforme en ligne qui permet aux vendeurs et aux acheteurs de biens et de services d’entrer en contact et d’effectuer des transactions. Que vous vendiez des distributeurs de Pez ou des services de jardinage sur une place de marché, vous faites la promotion de l’endroit où vous vendez autant que de ce que vous vendez », explique M. Chen. « En d’autres termes, du point de vue de l’acquisition d’utilisateurs, les vendeurs sont incités à promouvoir largement la plateforme qu’ils utilisent. Ce faisant, les places de marché créent une boucle virale qui génère un trafic organique gratuit. »
- Expériences partagées > mêmes expériences : supposons que vous utilisiez un téléphone intelligent. Vous avez peut-être la même expérience du produit que des milliards d’autres personnes, mais il ne s’agit pas d’une expérience partagée. « Les places de marché vous permettent de faire l’expérience du produit proposé en même temps que les autres utilisateurs. Les effets de réseau sont généralement d’autant plus importants que le produit ou le service est utilisé au même moment et au même endroit », explique M. Chen. « Le partage de logement et le conavettage en sont de parfaits exemples. Si vous prenez une voiture ou louez une maison avec un ami, vous avez non seulement expérimenté le produit, mais vous l’avez aussi expérimenté ensemble. La relation avec une place de marché se confond avec la relation avec l’ami. C’est l’un des effets de réseau qui devient vraiment durable pour les places de marché. »
- Expériences partagées > expériences personnelles : « Les places de marché reposent sur le fait que de nombreux objets que nous possédons sont sous-utilisés. Au cœur de ce principe se trouve la conviction qu’il vaut mieux partager ces objets plutôt que de les garder pour soi », explique M. Chen. « Par exemple, une entreprise appelée Hipcamp aide les amateurs de plein air à trouver des emplacements de camping non seulement dans les parcs publics, mais aussi sur des terrains privés. En tant que propriétaires fonciers, les propriétaires doivent supporter des coûts, allant des taxes à l’entretien. En transformant leur bien privé en bien partagé, ils peuvent tirer davantage de valeur de leur terrain en le partageant avec des personnes qui l’apprécieront et le respecteront. »
- Plus d’utilisateurs, meilleur produit : « Pour de nombreuses entreprises, la qualité peut être affectée par l’augmentation du nombre d’utilisateurs. Il peut être plus difficile de s’adapter à un volume et à des cas d’usage plus importants. Mais les places de marché sont un type d’entreprise rare où plus les gens utilisent le produit, meilleure est l’expérience réelle », explique M. Chen. « Prenez Wonderschool, une place de marché de garderies. Plus il y a de garderies, plus les parents peuvent trouver des options qui correspondent à leurs attentes en termes de variété (comme la méthode Montessori ou l’immersion linguistique) et de proximité par rapport à leur domicile. Les parents sont alors plus enthousiastes et s’impliquent davantage dans le service, ce qui aide la garderie à trouver et à acquérir davantage de clients. »
L’aspect le plus sous-estimé des places de marché
Pour M. Chen, la caractéristique la plus sous-estimée des places de marché est leur capacité à faciliter les services. « En tant que secteur, la technologie a bien réussi à acheminer les marchandises d’un point A à un point B. Les utilisateurs d’Amazon, d’eBay et de Shopify peuvent se faire livrer un produit à domicile en une semaine, en un jour, voire parfois en temps réel », explique M. Chen. « Là où les places de marché n’ont pas encore atteint leur plein potentiel, mais devraient le faire, c’est dans la facilitation des services. Lorsque nous devons trouver une nourrice pour nos enfants ou un coach exécutif à embaucher, nous demandons encore principalement à nos amis et collègues de nous recommander quelqu’un. Pourtant, les places de marché sont bien équipées pour faciliter les services, car elles permettent de standardiser les expériences, voire dans certains cas de les transformer en produits. Nous avons vu des places de marché aider des inconnus à partager leur logement ou leur voiture, mais ce n’est pas encore le cas pour tous les services. »
« La plupart des places de marché devront modifier leur stratégie pour y parvenir. Elles pourront alors exploiter un immense marché mondial, qui représente à lui seul plusieurs milliers de milliards de dollars dans l’économie américaine. Pour ce faire, les places de marché doivent répondre aux attentes des utilisateurs en matière de qualité et de confiance. Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement? », s’interroge M. Chen. « La qualité et la confiance passent par la cohérence. Du côté des acheteurs, cela implique de créer une ontologie complète de toutes les offres, de souscrire des polices d’assurance, de former les vendeurs et de créer des niveaux de services. Du côté des vendeurs, cela implique de les équiper comme des petites entreprises. Les utilisateurs créent désormais des entreprises entières à partir des places de marché, et ils doivent en faire de plus en plus. Les places de marché doivent aider les vendeurs à fixer le prix de leurs produits et services, à former et à gérer leur main-d’œuvre, à se doter d’outils pour trouver des fournisseurs et à mettre en place des CRM pour gérer leurs prospects. »
Les places de marché développent une relation profondément symbiotique avec les entreprises qui les utilisent. « Prenons l’exemple d’une chaîne de restauration rapide répertoriée sur Uber Eats. À elle seule, elle pourrait compter sur le passage des clients, la publicité locale ou le bouche-à-oreille. Mais le monde change. Le nombre de téléchargements d’applications de livraison de repas a augmenté de près de 400 % par rapport à il y a trois ans. Cette tendance transforme la manière dont les restaurants génèrent leurs revenus et même leur conception », explique M. Chen. « Si cette chaîne de hamburgers n’était pas présente sur une place de marché comme Uber Eats, elle devrait devenir experte dans le développement d’une application et convaincre les utilisateurs de la télécharger, et ce afin de se développer au-delà de sa clientèle locale habituelle. Mais sur une place de marché, la chaîne de hamburgers peut toucher un public plus large. Elle peut par exemple intercepter des utilisateurs qui auraient envie d’une pizza ou d’un falafel et les convaincre de commander un hamburger à la place. »
Les restaurants ne sont pas les seuls à bénéficier de cette relation. « Les places de marché comme Uber Eats dépendent fortement des restaurants hautement professionnels et opérationnels qui ont déjà leur propre marque. Ces restaurants sont souvent ceux chez qui les gens préfèrent commander et se trouvent en tête de la courbe de la loi de puissance », explique M. Chen. « La livraison de repas n’est qu’un exemple parmi d’autres, mais la même dynamique s’est produite dans tous les domaines, des séjours de courte durée, avec des places de marché comme Sonder et Lyric, aux entreprises de services locales répertoriées sur Thumbtack ou Care.com. Le lien entre les places de marché et leurs fournisseurs professionnels est l’une des relations les plus mutuellement bénéfiques de tout le secteur technologique. »
Selon M. Chen, le passage à la facilitation des services n’est pas seulement une opportunité pour les places de marché, mais aussi une réalité inévitable. « Il existe encore une croyance tenace selon laquelle la plupart des places de marché ne sont que des versions améliorées des catégories de Craigslist. Que pour créer une place de marché, une entreprise n’a qu’à prendre une catégorie de Craigslist et à l’améliorer. Cela était peut-être vrai il y a dix ans, mais les choses ont changé », explique M. Chen. « En tant qu’investisseur, les places de marché qui m’enthousiasment sont celles où les fondateurs choisissent une profession réglementée dans le secteur des services et créent une place de marché autour de celle-ci. Il ne s’agit pas seulement d’une annonce attrayante que le vendeur publie et sur laquelle l’acheteur clique. Il peut y avoir une vidéo pour aider les utilisateurs à comprendre et à visualiser le service qu’ils s’apprêtent à obtenir. Ou un système de notation plus approfondi que le système de 1 à 5 étoiles que nous connaissons tous. Je pense que ce type d’évolution vers les services est un aspect sous-estimé de la création d’une place de marché qui ne suscite pas l’engouement sur les blogs ou Twitter, mais qui est l’un des ingrédients clés. »
Contenu du graphique fourni par Andrew Chen et Li Jin.
L’aspect le plus surestimé des places de marché
Au cœur des arguments commerciaux des entreprises « Uber pour X » se trouve l’aspect le plus surestimé des places de marché : la conviction irréfutable qu’une stratégie de place de marché peut s’appliquer telle quelle à toutes les places de marché. « Des milliards ont été perdus par des personnes qui décrivaient leur entreprise comme “Uber pour un autre secteur ou marché”. C’est une façon accrocheuse de décrire une entreprise, mais cela se traduit rarement par des places de marché qui se démarquent », explique M. Chen. « Épiceries. conavettage. Location de logements. Ces catégories ont connu des succès. Mais l’inverse est également vrai. Les massages ou les services de voituriers à la demande ne rencontrent pas le même succès sur le marché. Vous ne pouvez pas transposer la stratégie d’une place de marché à une autre sans comprendre les principes fondamentaux qui expliquent pourquoi ces mécanismes ont fonctionné. »
Réutiliser le modèle d’une autre entreprise est un risque pour tout type de société, mais M. Chen constate que cela se produit plus fréquemment, et de manière plus flagrante, avec les places de marché. « Prenons deux exemples liés aux véhicules : le conavettage et le service de voiturier. Il s’avère que le conavettage fonctionne bien en tant que place de marché à la demande, car c’est un service que l’on peut choisir et utiliser presque tous les jours. Et pas seulement pour les trajets domicile-travail, mais aussi pour se rendre d’un point A à un point B en général. Cela augmente la liquidité de la place de marché », explique M. Chen. « En revanche, le service de voiturier est limité aux propriétaires ou locataires de voitures, un marché beaucoup plus restreint que celui des passagers. De plus, vous ferez probablement appel à un voiturier deux fois par jour : à la dépose et à la récupération. Du côté de l’offre, les gens ne pourront pas subvenir à leurs besoins en tant que voituriers à plein temps. »
En fin de compte, beaucoup de gens aiment regrouper les places de marché dans un même secteur, alors qu’en réalité, elles sont plus distinctes que similaires, selon M. Chen. « Il existe de nombreuses nuances entre les places de marché. Mais dès qu’une entreprise ou une catégorie est en vogue, la plupart essaient d’appliquer tous les modèles pour voir ce qui en ressort. Parfois, cela fonctionne, mais la plupart du temps, ce n’est pas le cas », explique-t-il. « Les places de marché ne constituent pas un secteur à part entière, contrairement aux jeux vidéo. Elles peuvent couvrir des domaines aussi variés que l’hôtellerie, les transports, l’éducation ou les loisirs. Elles appartiennent chacune à des secteurs distincts qui ne se prêtent pas facilement à une stratégie unique en matière de places de marché. »
Déjouer le problème du démarrage à froid en battant la loi Metcalfe
L’un des plus grands défis des places de marché consiste à développer un réseau, mais aussi à savoir par où commencer. C’est ce qu’on appelle souvent le problème du démarrage à froid. « Si vous vous souvenez de l’histoire de la bulle Internet, bon nombre des premières initiatives dans le domaine technologique étaient attribuées à ce qu’on appelle la loi de Metcalfe. Selon cette loi, plus vous ajoutez de nœuds à un réseau, plus le nombre d’interconnexions augmente rapidement », explique M. Chen. « Si vous représentez cela graphiquement, vous obtenez une courbe de croissance exponentielle folle. Cela suggère qu’il existe un avantage à être le premier à agir, car si vous agissez rapidement et obtenez les nœuds avant tout le monde, votre réseau sera meilleur. La dynamique de cette loi est devenue un conseil commercial standard et fait partie du lexique des jeunes entreprises. »
Le problème, c’est que ce n’est pas ce qui se passe réellement. « Quiconque travaille dans le monde des jeunes entreprises et des places de marché sait que cela ne fonctionne pas du tout ainsi », explique M. Chen. « Lorsque votre réseau se situe quelque part entre zéro et la densité ou la taille requise pour atteindre la vitesse de libération, votre réseau cherche constamment à s’autodétruire. Si vous n’ajoutez pas de nouveaux utilisateurs, qu’il s’agisse d’acheteurs ou de vendeurs, votre réseau tend vers zéro. Vos acheteurs se présentent et ne trouvent pas suffisamment de produits à acheter. Vos vendeurs ne voient personne enchérir et décident de changer de boutique. Tant que vous n’atteignez pas la vitesse de libération de votre réseau, vous luttez contre les effets anti-réseau. »
Selon M. Chen, les fondateurs ont trouvé de nombreuses astuces pour résoudre le problème du démarrage à froid et échapper avec succès à l’entropie des réseaux initiaux. En voici trois exemples :
Venez pour l’outil, restez pour le réseau. « Hipcamp a commencé comme un moyen de trouver des terrains de camping publics. Ils ont rassemblé et répertorié les sites de camping afin que les gens puissent les trouver au même endroit. Ils ont compilé les listes existantes, de sorte que l’agrégation de l’offre n’a pas été une tâche difficile », explique M. Chen. « Cela a permis à Hipcamp d’être utile dès le premier jour en tant qu’outil pour les acheteurs, même s’il n’était pas utile en tant que place de marché au départ. Une fois que l’utilité de l’outil a été prouvée, la demande (les campeurs) s’est manifestée, et Hipcamp a pu doubler sa fonctionnalité de réservation. Ensuite, il a commencé à approfondir l’offre en enregistrant des terrains de camping et des propriétés privés. »
M. Chen attribue à son collègue investisseur Chris Dixon le nom de cette technique. « OpenTable est un autre exemple célèbre de cette approche du démarrage à froid. OpenTable a commencé du côté des vendeurs, comme un outil destiné à aider les restaurants à gérer leurs tables, puis il a commencé à stimuler la demande. Hipcamp est un meilleur exemple d’outil destiné aux acheteurs qui a ensuite fait progresser l’offre », explique M. Chen. « Il existe de nombreux autres exemples, mais la stratégie consiste à créer un outil de gestion des stocks comme étape intermédiaire vers la création d’une place de marché. Souvent, cela commence du côté des vendeurs. »
Numérisez vos expériences papier-crayon. « Pietra est une place de marché dédiée aux bijoux personnalisés. Quelques anciens employés d’Uber ont créé cette entreprise et connaissent donc bien la dynamique de l’offre et de la demande. Leur idée est que l’achat de bijoux coûteux, tant au niveau du produit que de l’expérience d’achat, est dépassé, en particulier pour la génération Y. Tout d’abord, la découverte se fait différemment, probablement grâce aux célébrités d’Instagram ou aux créateurs qui diffusent des vidéos sur leurs bijoux. Ensuite, les bijoux ne sont ni personnalisés ni sur mesure. Vous pouvez aimer le modèle d’un bracelet, mais vouloir y ajouter votre pierre de naissance ou une gravure », explique M. Chen. « Pietra met en place une place de marché à deux facettes (ou trois si l’on inclut les influenceurs) qui rassemble des clients et des milliers de petites boutiques de bijoux. »
Ces petites bijouteries peuvent souvent réaliser des bijoux sur mesure à des prix plus avantageux que les grandes chaînes, mais leur arrière-boutique n’est pas toujours efficace. « Il y a beaucoup d’allers-retours qui peuvent accompagner les préférences en matière de style, de taille et d’achat. Pietra regroupe et stocke ces spécifications dans une application dotée d’une interface conviviale. Ainsi, un petit bijoutier qui travaille avec 50 clients potentiels ne manque ou ne perd aucune information », explique M. Chen. « Cela facilite le processus pour les bijoutiers, mais aussi pour les clients. Et d’un point de vue commercial, le fait de regrouper toutes les préférences des clients au même endroit constitue un obstacle au passage à une autre place de marché. »
Établir une garantie minimale pour l’offre. « De nombreuses places de marché, en particulier dans le secteur des services, peuvent tirer profit d’un taux de rémunération de base garanti dès le départ. Par exemple, Uber pourrait promettre 25 $/heure à un chauffeur qui effectue un nombre minimum de courses par jour. Cette prévisibilité apporte non seulement plus de stabilité à l’offre, mais aide également l’entreprise à développer rapidement son offre », explique M. Chen. « Avec ce volume du côté de l’offre, vous obtenez une dynamique suffisante pour mettre en place le côté de la demande. Ensuite, une fois que le côté de la demande se développe, davantage de personnes s’inscrivent du côté de l’offre. À présent, le volant d’inertie est lancé. À mesure que le marché atteint la liquidité, les revenus du côté de l’offre, par exemple ceux des chauffeurs Uber, commenceront à se rapprocher de la garantie, de sorte que, finalement, le marché soutiendra naturellement la garantie. »
Il s’agit d’une technique puissante, compte tenu du nombre de places de marché qui sont confrontées à des problèmes d’offre. « Je pense que presque toutes les meilleures entreprises de places de marché finissent par être limitées par l’offre plutôt que par la demande. Qu’il s’agisse d’éducation, d’épicerie ou de soins aux personnes âgées, la demande est pratiquement illimitée, car vous pouvez maintenir la parité des prix avec tout le reste », explique M. Chen. « Ainsi, vous finissez généralement par passer beaucoup de temps à réfléchir à l’offre. J’ai remarqué cela chez Uber. Lorsque vous vous implantez ville après ville, vous vous concentrez vraiment sur l’offre de votre marché, et les mêmes défis et idées reviennent sans cesse. »
Offre-demande-offre-offre-offre vs demande-offre-demande-demande-demande
Chaque place de marché doit évaluer la densité relative de l’offre et de la demande, et déterminer laquelle des deux s’intègre le mieux au réseau. M. Chen a observé une tendance chez les entreprises de C2C, B2B et B2C. Tout dépend du côté qui va rencontrer le plus de difficultés lors de l’inscription, ce qui correspond souvent au côté qui va devoir fournir le plus d’efforts.
C2C et B2C : « Sur une place de marché grand public comme celle du conavettage, un chauffeur travaille plusieurs heures par jour, tandis que les passagers ne passent que 15 à 20 minutes dans une voiture. Ou si vous êtes une place de marché proposant des services de garde d’enfants et d’éducation préscolaire comme Wonderschool, les entreprises doivent obtenir une licence, tandis que les familles doivent simplement s’inscrire pour participer », explique M. Chen. « Avec ces places de marché, le défi consiste généralement à obtenir suffisamment d’offres pour participer, car les entreprises doivent fournir plus d’efforts pour s’inscrire. Avec les jeunes entreprises orientées vers les consommateurs, commencez donc par l’offre, puis passez à la demande. Ensuite, concentrez-vous sur l’offre, l’offre et encore l’offre. »
B2B : « L’équation gagnante pour les places de marché B2B est inverse. Prenez les entreprises de transport routier comme Convoy ou une place de marché d’entreposage comme Flexe. Ces types d’entreprises ont tendance à être davantage limités par la demande, car leur clientèle est principalement composée d’entreprises du Fortune 500. La demande est moins sensible au prix et plutôt à la qualité et à la réputation. Le cycle de vente est long. Les jeunes entreprises de place de marché approchent ces sociétés, leur proposent un service et obtiennent des lettres d’intention. Elles les utilisent pour lever des fonds et assurer leur offre. Puis elles reviennent vendre leurs produits aux entreprises du Fortune 500 », explique M. Chen. « Comparez cela aux places de marché grand public, où les consommateurs sont sensibles aux prix. Dans ce cas, si l’offre est trop importante, vous pouvez toujours baisser les prix, et la demande va monter en flèche. Vous pouvez alors rééquilibrer votre place de marché. Mais c’est l’inverse avec les places de marché B2B. L’ordre des priorités finit par être la demande, l’offre, la demande, la demande, la demande. »
Avertissements : bien sûr, ces tendances sont des règles empiriques, d’autres éléments entrent également en jeu. « Il y a la saisonnalité et la région. Par exemple, Las Vegas était souvent en situation de demande excédentaire pour le conavettage, car il y a plus de chauffeurs et beaucoup d’usagers prenaient le taxi. À San Francisco ou à New York, en revanche, l’offre de conavettage était plus limitée. Il en va de même pour la location de logements. Airbnb sera très limité en offre pendant la haute saison touristique, comme l’été, mais en excédent le reste de l’année », explique M. Chen. « Il y a ensuite d’autres facteurs. Est-il facile pour quelqu’un de participer à la place de marché? Par exemple, faut-il être propriétaire d’une maison pour participer? Faut-il obtenir une licence? Environ 25 % de la population active américaine exerce une profession réglementée. Ces facteurs peuvent créer des frictions avec la dynamique de l’offre et de la demande. »
Fuites postérieures à la vitesse de libération dans l’offre et la demande
Même si les places de marché gagnent en popularité, elles doivent faire face tant du côté de l’offre que de la demande. « Revenons à Pietra, la place de marché de bijoux. C’est un excellent exemple de cette dynamique où le côté demande n’achète pas nécessairement très souvent. N’est-ce pas? Espérons que vous n’achetez pas plus d’une bague de fiançailles », explique M. Chen. « Si vous voulez inciter les gens à acheter pour eux-mêmes, cela peut se produire plus fréquemment, mais cela coïncidera probablement avec une occasion spéciale. C’est là que vous constaterez peut-être que la demande ne fuit pas, elle est simplement inactive. »
L’objectif est alors de les réacquérir ou de les réactiver. « S’il apparaît qu’il y a une fuite du côté de la demande, ce n’est probablement pas grave s’il s’agit simplement de personnes qui entrent et sortent de l’activité. Tant que l’entreprise dispose d’un excellent moyen évolutif et peu coûteux d’acquérir des utilisateurs, tout ira bien. Pour certaines, cela peut passer par le référencement naturel, qui permet aux gens de trouver l’entreprise », explique M. Chen. « De l’autre côté de l’équation, du côté de l’offre, l’idéal est de fournir suffisamment de travail et de revenus pour que les utilisateurs soient très satisfaits et extrêmement fidèles. Après avoir étudié de nombreuses places de marché au fil des ans, j’ai constaté qu’il fallait qu’au moins un des deux côtés soit fidèle. Ce n’est pas toujours le côté de l’offre ou de la demande, mais il doit s’agir de l’un d’eux. De cette façon, vous pouvez toujours baisser les prix du côté de l’offre, ce qui la rendra moins fidèle, mais augmentera l’utilisation et la fréquence du côté de la demande. »
Même les places de marché matures trouvent des moyens d’atténuer les fuites de l’offre et de la demande. « Je pense qu’au cours des sept premières années d’existence d’Uber, il y a eu une baisse de prix tous les ans en janvier. C’était prévu dans le système pour contrecarrer les fuites. Cette baisse permettait au marché de croître chaque année jusqu’à ce que nous atteignions un point où tout le monde était pleinement utilisé et où la baisse ne permettait plus d’augmenter l’utilisation », explique M. Chen. « Donc, pour en revenir à Pietra avec cette perspective à l’esprit : je ne m’inquiéterais pas de l’intermittence de la demande. C’est très bien si vous pouvez trouver le moyen de faire passer les gens des bagues de fiançailles aux anniversaires et à d’autres occasions d’acheter des bijoux. Mais ce qui m’intéresse vraiment, c’est de savoir si les bijoutiers sont satisfaits. Quelle part de leur activité est générée par le marché? Peuvent-ils subvenir à leurs besoins en participant simplement à Pietra? C’est ce qui m’intéresse le plus. »
Les idées derrière les prochaines grandes places de marché
M. Chen est impatient de voir de nouvelles permutations des places de marché prendre forme. Voici trois idées qui, selon lui, feront progresser ces nouveaux types de places de marché.
Tout le monde peut faire ce qu’il aime et être rémunéré pour cela. « L’idéal pour la société est que chacun puisse faire ce qu’il aime et être rémunéré pour cela. Si cela consiste à trouver un public grâce à l’écriture ou à un blog, il y a Substack. Si c’est la création, il y a Patreon. Si c’est l’enseignement aux enfants, il y a VIPKid. Si c’est inciter les gens à sortir, il y a Hipcamp », explique M. Chen. « Ces marchés sont différents du transport de denrées alimentaires ou de personnes. Ce sont des places de marché qui redéfinissent l’avenir du travail. Je pense que davantage de ces industries finiront par être un ensemble de places de marché plutôt que d’être dirigées par des entreprises centralisées qui sont des employeurs. »
Les licences ne sont pas le seul moyen de garantir la qualité. « Les licences avaient du sens dans un monde où les gouvernements devaient garantir la qualité de tout. Mais elles posent aujourd’hui un problème majeur pour une grande partie de notre économie. Elles rendent l’accès à l’emploi beaucoup plus difficile, en particulier pour les travailleurs payés à l’heure », explique M. Chen. « Un article récent du New York Times a montré combien de licences, notamment dans le domaine de la cosmétologie, nécessitent des dizaines d’heures de formation et entraînent des dettes de plusieurs dizaines de milliers de dollars. Les personnes concernées travaillent ensuite dans un salon pour le salaire minimum. C’est le début d’une crise. Les places de marché ont la possibilité d’utiliser des logiciels, des évaluations et des avis pour créer de la transparence, afin que les gens puissent trouver du travail, potentiellement sans passer par le processus fastidieux de l’octroi de licences. »
La couche logicielle des places de marché est un enjeu crucial. « On observe une augmentation du nombre de places de marché qui vont au-delà de la simple mise en relation numérique entre l’offre et la demande : elles s’efforcent activement d’instaurer la confiance entre les deux parties. Ces “places de marché gérées” à pile complète améliorent de manière proactive l’expérience client pour tous les acteurs d’une place de marché », explique M. Chen. « Par exemple, Honor est une place de marché gérée dédiée aux soins à domicile. Elle ne se contente pas de répertorier une liste de prestataires de soins que les gens peuvent trouver et engager. Honor interviewe et sélectionne chaque professionnel de santé avant de l’intégrer. Elle met en relation les clients avec des conseillers afin de concevoir des plans de soins personnalisés. Honor a son mot à dire lorsqu’il s’agit de définir l’expérience client pour chaque partie prenante de la place de marché et d’instaurer la confiance entre elles. »
Des places de marché pleinement réalisées
M. Chen aide les places de marché à surmonter l’obstacle du démarrage à froid, car cela permet aux entreprises de saisir d’importantes opportunités à mesure qu’elles se développent. « Uber m’a appris ce qu’est vraiment la croissance. À l’époque où j’y travaillais, il s’agissait vraiment d’une phase post-produit/adaptation au marché. Les opérations avançaient rapidement, et mon rôle consistait à trouver comment les accélérer encore davantage. Certaines semaines, nous embauchions plus de 200 nouveaux employés. Tous les ans, plus de 3 % de la population mondiale s’inscrivait sur notre plateforme », explique Chen. « Mais ce type de croissance reste impossible tant que les places de marché n’ont pas résolu le problème du démarrage à froid. Une fois cette phase passée, le volant d’inertie se transforme en moulin à vent, capable d’alimenter et de soutenir une entreprise. »
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