La loi sur le blanchiment d'argent vise à lutter contre la recrudescence de ce phénomène tant au niveau national en Allemagne que dans le reste du monde. Sa raison d'être est de protéger les entreprises, mais celles-ci doivent également respecter certaines obligations pour exercer leurs activités en conformité avec la loi. Notre article explique ce qu'est le blanchiment d'argent et présente la loi qui vise à le combattre. notamment les parties qu'elle concerne, ainsi que le contenu des derniers amendements et leurs implications pour les entreprises.
Sommaire
- Qu'est-ce que le blanchiment d'argent ?
- Qu'est-ce que la loi sur le blanchiment d'argent ?
- Qui est concerné par la loi sur le blanchiment d'argent ?
- Quelles sont les obligations des entreprises au regard de la loi sur le blanchiment d'argent ?
- Quelles sont les nouveautés de la loi sur le blanchiment d'argent ?
Qu'est-ce que le blanchiment d'argent ?
Le blanchiment d'argent est décrit comme l'introduction illicite d'argent dans des cycles financiers et commerciaux légaux. Dès lors, de « l'argent sale » est produit par la corruption, le vol, l'extorsion, les jeux illégaux ou le commerce de stupéfiants et d'armes. Ces capitaux transitent par différents comptes ou différentes sociétés jusqu'à ce qu'il ne soit plus possible d'identifier leur provenance ou leur propriétaire.
D'après une estimation de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le volume mondial d'argent blanchi chaque année se situe entre 800 et 2 000 milliards de dollars américains. Dans le cas de l'Allemagne, le montant du blanchiment s'élèverait à quelque 100 milliards d'euros chaque année. Pour la seule année 2022, 22 614 dossiers de blanchiment d'argent ont été signalés aux autorités de police. Les cas de blanchiment d'argent n'ont cessé de se multiplier en Allemagne ces dernières années, ce qui contraste avec la diminution générale de l'activité criminelle.
Le blanchiment d'argent est non seulement un défi économique à prendre au sérieux, mais aussi un risque important pour la sécurité, dans la mesure où il procure aux organisations criminelles et terroristes les moyens de financer des activités illicites. Pour lutter contre le blanchiment d'argent et le crime organisé, de nombreux pays ont introduit des exigences légales et des mécanismes de contrôle stricts qui confèrent aux autorités le pouvoir d'identifier, d'examiner et de prévenir les transactions suspectes. Tout aussi illégal en Allemagne, le blanchiment d'argent est puni d'une sanction pécuniaire ou d'une peine privative de liberté pouvant aller jusqu'à cinq ans, conformément à l'article 261 de la loi StGB.
Comment fonctionne le blanchiment d'argent ?
L'Office fédéral allemand d'investigation criminelle divise le processus de blanchiment d'argent en trois phases. Lors de la première étape, dite de « placement », l'argent illégal est introduit en première instance dans les cycles économiques légaux via le dépôt d'importantes sommes d'argent dans des instituts de crédit, par le recours à des services de transfert d'argent, ou encore par la vente de biens coûteux en numéraire. Dans la deuxième phase, dite de « dissimulation », des transactions complexes sont mises en place dans le but de dissimuler l'origine des fonds. Il peut s'agir de transferts effectués entre différents comptes bancaires, pays et devises, de la réalisation de transactions factices ou encore de l'utilisation de sociétés-écrans. La dissimulation vise à limiter le lien entre les fonds illicites et leur source. Dans la troisième étape, ou « phase d'intégration », l'argent qui émane d'une source d'apparence légale est injectée dans le circuit économique, jusqu'à parvenir en dernier lieu aux criminels. Ceux-ci peuvent alors employer cet argent comme s'il avait été gagné légalement afin d'acquérir des biens ou d'autres actifs.
Qu'est-ce que la loi sur le blanchiment d'argent ?
La loi allemande sur le blanchiment d'argent (GwG, ou - Geldwäschegesetz) est une législation fédérale qui fait du blanchiment d'argent une infraction pénale traçable par les autorités. Axée sur la prévention, elle exige de certains groupes de personnes, ainsi que des agents économiques, la capacité à faire preuve d'une vigilance et d'une surveillance particulières afin que le blanchiment d'argent soit détectable le plus précocement possible. La directive européenne relative à la lutte contre le blanchiment d'argent (AMLD) constitue la base de la loi allemande sur le blanchiment d'argent, qui doit être transposée dans la législation nationale. La première version de l'AMLD a été introduite en 1991. Depuis, cette directive a été actualisée à de nombreuses reprises afin de s'adapter à l'évolution des pratiques et techniques internationales en matière de blanchiment d'argent. L'objectif principal des réglementations AMLD et GwG est de prévenir les transactions économiques anonymes et de lutter contre le blanchiment d'argent. En outre, elles visent à prévenir le financement du terrorisme et l'évasion fiscale.
Qui est concerné par la loi sur le blanchiment d'argent ?
La GwG s'applique aussi bien aux particuliers qu'à certains agents économiques. Pour les particuliers, elle concerne principalement les paiements et transactions réalisés en espèces. L'Allemagne autorise les transferts personnels d'un montant de 10 000 euros. Si une personne désire virer davantage d'argent sur son compte, elle doit être capable d'en justifier l'origine. Dans le cas de nouveaux clients, il arrive que les établissements bancaires exigent déjà une preuve à partir d'un montant de 2 500 euros. Pour les particuliers, l'abattement personnel de 10 000 euros s'applique également à l'achat de biens. À titre d'exemple, si une personne souhaite acquérir un véhicule avec 12 000 euros en numéraire, elle doit être prête à communiquer ses données personnelles. De même, les concessionnaires doivent conserver une trace écrite de la transaction via un formulaire.
Pour prévenir le blanchiment d'argent, la loi GwG applique des exigences particulières à un certain nombre d'entreprises et d'individus, bien au-delà de la sphère financière. Ces obligations sont énumérées à la section 2.
Parties du secteur financier assujetties à la loi GwG :
- instituts de crédit ;
- instituts de services financiers ;
- instituts de paiement ;
- instituts de monnaie électronique ;
- agents pour les services de paiement et de monnaie électronique ;
- opérateurs commerciaux indépendants dans le secteur des services de paiement ou de la monnaie électronique ;
- fournisseurs de portefeuilles électroniques et de cryptomonnaies ;
- sociétés financières ;
- intermédiaires d'investissement financiers et honoraires ;
- compagnies d'assurance.
Parties hors secteur financier assujetties à la loi GwG :
- manutentionnaires de marchandises (commerce de gros et de détail) ;
- négociants en art ;
- revendeurs d'art ;
- agents immobiliers ;
- courtiers en assurance ;
- responsables d'audit ;
- comptables ;
- fiduciaires ;
- sociétés de gestion d'investissements financiers ;
- fournisseurs de services aux entreprises ;
- auditeurs et agents fiscaux ;
- juristes ;
- conseillers juridiques ;
- conseillers de chambre juridique ;
- conseillers en brevets ;
- notaires ;
- organisateurs et agents de jeux de hasard.
Les entreprises assujetties doivent examiner en profondeur les réglementations relatives au blanchiment d'argent afin de vérifier les obligations dont elles sont redevables au titre des relations commerciales avec leurs clients. Cette préconisation concerne également leur propre protection. En effet, les criminels ne se contentent pas de passer par les grandes multinationales pour blanchir de l'argent, mais ciblent également les petites et moyennes entreprises. Les secteurs dans lesquels des biens sont souvent acquis par le biais de grosses sommes d'argent liquide, tels que les bijoutiers, horlogers, négociants en produits de luxe, concessionnaires automobiles, ainsi que les vendeurs d'électronique de loisirs, d'art et d'antiquités, sont particulièrement visés.
Quelles sont les obligations des entreprises au regard de la loi sur le blanchiment d'argent ?
En vertu de l'AMLA, les entreprises sont tenues de prendre un certain nombre de dispositions pour prévenir le blanchiment d'argent. Ces mesures impliquent, d'une part, une gestion efficace des risques qui doit être adaptée au type et à la portée des activités de l'entreprise. Par ailleurs, un certain nombre d'obligations de diligence raisonnable doivent être adoptées conformément au principe de connaissance du client (KYC).
Mesures de gestion des risques requises :
- réalisation, documentation et mise à jour régulières d'une analyse des risques minutieuse, complète et appropriée des partenaires de vente ;
- mise en œuvre de mesures de sécurité individuelles, d'entreprise ou internes qui découlent de l'analyse des risques ;
- mise en place d'un mécanisme de contrôle adéquat ;
- information régulière du personnel au sujet du blanchiment d'argent ;
- nomination éventuelle d'un responsable et d'adjoints en charge du blanchiment d'argent ;
- respect des exigences d'enregistrement et de conservation : les documents d'identification doivent être copiés ou enregistrés numériquement
Obligations de diligence raisonnable pour les entreprises :
- identification claire du partenaire contractuel ou de la personne agissant en son nom ;
- passage en revue des relations avec les agences ;
- obtention et évaluation d'informations relatives à l'objet et au type de relation d'affaires envisagé ;
- clarification de la possibilité que l'argent provienne d'une personne exposée politiquement (PEP) ;
- surveillance continue des relations et transactions commerciales ;
- déclaration des preuves d'activités illégales à l'Office central d'investigation des transactions financières (FIU) via le logiciel « goAML » ;
- dépôts en espèces supérieurs à 10 000 euros ;
- transport ou stockage de grandes quantités d'argent liquide ;
- consentement rapide à des conditions d'investissement médiocres ;
- preuve d'existence de comptes multiples au sein d'une même banque ou dans d'autres établissements.
- dépôts en espèces supérieurs à 10 000 euros ;
Les entreprises qui ne signalent pas les activités suspectes ou se soustraient aux réglementations en matière de blanchiment d'argent s'exposent à de lourdes amendes. Selon l'article 56 de la GwG, le cadre juridique prévoit des sanctions financières pouvant atteindre 150 000 euros dans de nombreux cas. En cas de violations graves, répétées et systématiques, des amendes pouvant aller jusqu'à 5 millions d'euros (ou 10 % du chiffre d'affaires de l'année précédente) peuvent être infligées. En outre, les autorités administratives et de contrôle compétentes sont habilitées à rendre publiques les décisions finales en matière d'amendes sur leur propre site Web, en publiant l'identité des contrevenants.
Qu'est-ce qui diffère dans la loi sur le blanchiment d'argent de 2022 ?
L'innovation technologique a ouvert de nouvelles opportunités de blanchiment d'argent que les criminels ne manquent pas d'exploiter. De fait, il importe d'adapter en permanence la position juridique face aux nouvelles exigences. Cette évolution se produit à la fois au niveau de l'UE, comme tout récemment avec la sixième édition de la directive anti-blanchiment (AMLD6), qui entrera en vigueur en 2020, mais aussi au niveau national au travers de la loi GwG régulièrement mise à jour et élargie. Les adjonctions les plus récentes comprennent la loi visant à améliorer la lutte pénale contre le blanchiment d'argent, dont le but est de simplifier les poursuites pour les autorités. Par ailleurs, les cryptomonnaies et les sociétés de services financiers correspondantes sont assujetties à la loi sur le blanchiment d'argent.
Un autre ajout notable à la GwG est la loi sur le registre de transparence et l'information financière (TraFinG), entrée en vigueur le 1er août 2021. Cette réglementation stipule que les sociétés, clubs, associations, fondations et autres acteurs économiques sont tous tenus de communiquer les coordonnées de leurs bénéficiaires effectifs au registre de transparence. Le registre de transparence exige de la plupart des entreprises allemandes qu'elles divulguent certaines données spécifiques telles que les bénéficiaires effectifs, afin de révéler la structure, l'appartenance, les flux de trésorerie et le contrôle de l'entreprise. Cette disposition devrait permettre de connecter entre eux les registres des États membres de l'UE et de simplifier les poursuites judiciaires à l'échelle européenne sur la base des données de toutes les entreprises soumises à notification. Le non-respect de l'obligation de déclaration au registre de transparence est passible d'amendes élevées de la part de l'Office fédéral de l'administration. Les entrepreneurs individuels, les commerçants constitués en société et les sociétés de personnes sont dispensés de l'obligation de fournir ces informations. Du reste, seules certaines autorités peuvent consulter l'intégralité du registre de transparence, dont l'accès libre par le public est abrogé depuis novembre 2022. La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) stipule que l'inspection est autorisée exclusivement sur la base d'un intérêt légitime, lequel est vérifiable sur demande.
Le contenu de cet article est fourni uniquement à des fins informatives et pédagogiques. Il ne saurait constituer un conseil juridique ou fiscal. Stripe ne garantit pas l'exactitude, l'exhaustivité, la pertinence, ni l'actualité des informations contenues dans cet article. Nous vous conseillons de solliciter l'avis d'un avocat compétent ou d'un comptable agréé dans le ou les territoires concernés pour obtenir des conseils adaptés à votre situation particulière.