AMA with Marc Andreessen (en anglais)

Découvrez cette conversation ouverte et approfondie avec l’un des investisseurs les plus influents de la Silicon Valley.

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Patrick McKenzie

Patrick a créé quatre sociétés de logiciels opérant à l’échelle internationale. Il utilise désormais l’outil Atlas de Stripe.

  1. Introduction
  2. Lever des fonds auprès d’investisseurs en capital-risque
  3. Conseils pour les fondateurs
  4. Vie de l’esprit
  5. Le logiciel dévore le monde

Les startups sont un mélange fascinant de personnes, de connaissances, d’argent et de technologie. L’accès à ces éléments fondamentaux a longtemps été très inégal, mais la situation s’améliore progressivement. Les logiciels collaboratifs et les services cloud ont rendu l’infrastructure de base des entreprises technologiques plus facile et moins coûteuse à mettre en place que jamais. Internet a permis de rassembler et de diffuser un ensemble croissant de connaissances et de savoir-faire pratiques sur la création et le développement d’entreprises.

Il existe toutefois encore une dépendance envers certaines personnes, en particulier lorsqu’il s’agit de l’allocation des fonds.

Stripe Atlas aide des fondateurs du monde entier à créer des entreprises ambitieuses. L’un de nos objectifs est de réduire la distance sociale entre nos entrepreneurs et les investisseurs, experts et autres personnes susceptibles de les aider. Pour cela, nous avons créé le Forum privé Stripe Atlas, où nous invitons régulièrement des intervenants à échanger directement avec les membres d’Atlas et à répondre à leurs questions sur la création d’entreprise.

Marc Andreessen est le cofondateur d’Andreessen Horowitz et est célèbre pour avoir inventé l’expression « software is eating the world ». Avant cela, il a coécrit Mosaic, le premier navigateur Web grand public. Bien qu’il ne soit malheureusement plus actif sur Twitter (son compte @pmarca était alors une lecture incontournable), il a accepté de répondre à plus de 30 questions posées par les fondateurs utilisant Stripe Atlas. Ces questions portent notamment sur la manière de convaincre un investisseur en capital-risque d’accorder un financement, sur l’évolution du secteur technologique depuis la création du premier navigateur Web, ainsi que sur les opportunités encore existantes pour bâtir de grandes entreprises à impact autour de technologies dont le monde a besoin. Marc nous a très gentiment autorisés à publier une partie de ses réponses afin d’en faire bénéficier la communauté au sens large.

Si nous pouvons vous aider à accéder aux personnes, aux connaissances et à la technologie nécessaires pour lancer et développer votre nouvelle entreprise, rejoignez Stripe Atlas. (Et si vous avez besoin de financement, lisez ci-dessous les conseils de Marc sur la présentation aux investisseurs en capital-risque.)

Lever des fonds auprès d’investisseurs en capital-risque

Qu’est-ce qui est le plus important pour vous lorsque vous décidez d’investir dans une startup ?

Il y a trois réponses différentes, correspondant aux trois étapes.

Au stade d’amorçage, lorsqu’une startup vient tout juste de naître, la décision repose presque entièrement sur les personnes. Qui sont-elles, et quel est leur parcours ou leur expérience pour qu’on puisse s’attendre à ce qu’elles créent quelque chose d’exceptionnel ?

Au stade du capital-risque, lorsqu’une startup dispose d’un prototype ou d’un produit initial, mais pas encore d’une entreprise pleinement opérationnelle, la décision repose à la fois sur les personnes, comme pour les levées de fonds d’amorçage, mais aussi sur l’adéquation produit-marché : existe-t-il des raisons de penser que ce produit, sur ce marché et à ce moment précis, va décoller ?

Au stade de la croissance, lorsqu’une startup est pleinement implantée sur son marché et qu’elle développe ses activités de vente et de marketing pour se renforcer, la décision repose beaucoup plus sur les caractéristiques financières de l’entreprise, en particulier sur l’économie unitaire : la startup peut-elle vendre son produit à chaque client de manière rentable ?

Consultez aussi ces deux articles de blog pour beaucoup plus d’informations sur ces sujets :

Combien d’argumentaires d’investissement recevez-vous ?

Ces chiffres sont approximatifs, mais reflètent la bonne tendance :

Nous recevons environ 2 000 argumentaires entrants qualifiés par an. Par « qualifiés », j’entends que nous connaissons déjà directement les personnes impliquées dans l’entreprise ou des personnes qui lui sont associées d’une manière ou d’une autre (investisseurs providentiels, autres investisseurs en capital-risque, conseillers, coachs et mentors, avocats ou clients).

Nous estimons qu’environ 2 000 startups, sur un total d’environ 4 000, atteignent le niveau nécessaire pour envisager une levée de fonds en capital-risque chaque année. (Ces chiffres concernent uniquement les États-Unis, pour simplifier le sujet.) Nous ne voyons pas les 2 000 autres, soit parce que nous ne connaissons personne au sein de ces entreprises (probablement une lacune de notre part), soit parce qu’il existe une raison pour laquelle nous ne serions pas le bon investisseur pour elles (par exemple, si nous avons déjà investi dans un concurrent du même secteur).

Sur les 2 000 dossiers que nous examinons, nous réalisons entre 20 et 40 investissements par an, soit un taux de réussite d’environ 1 à 2 %.

Les meilleurs investisseurs en capital-risque aux États-Unis réalisent ensemble environ 200 investissements par an. Parmi ces 200, une quinzaine génèrent plus de 90 % des rendements de l’année.

Notre rôle, en tant qu’investisseurs, est d’essayer de faire partie du plus grand nombre possible de ces 15 investissements sur les 20 à 40 que nous réalisons chaque année.

Les meilleurs investisseurs en capital-risque du secteur semblent pouvoir investir dans seulement 2 ou 3 entreprises sur 15. Par définition, même les meilleurs investisseurs passent donc à côté de la plupart des grandes réussites. C’est un métier qui apprend l’humilité.

Avez-vous déjà investi dans une startup inconnue qui vous a contacté pour la première fois par e-mail ?

Je ne pense pas.

À première vue, cela peut sembler insensé. Pourquoi un investisseur en capital-risque n’investirait-il que dans des personnes qu’il connaît déjà ? Cela n’exclut-il pas les idées originales venant de personnes extérieures au réseau existant ? N’est-il pas vrai que nombre des startups les plus prospères ont été fondées par des entrepreneurs nouveaux dans leur secteur ?

La raison est subtile, mais importante. Obtenir une mise en relation par un contact avec un investisseur en capital-risque constitue un test fondamental de vos compétences en réseautage.

Les investisseurs en capital-risque recherchent activement des recommandations intéressantes et qualifiées provenant de leur réseau : investisseurs providentiels, autres investisseurs en capital-risque, conseillers, coachs et mentors, avocats et clients. Toutes ces personnes aiment recommander leurs investisseurs préférés. Les investisseurs en capital-risque comptent parmi les personnes les plus faciles à contacter grâce à leur réseau.

Il s’avère que la compétence nécessaire pour entrer en contact avec un investisseur en capital-risque est la même que celle requise pour établir des liens avec un client, un fournisseur, un partenaire de distribution, la presse ou un cabinet de recrutement de dirigeants.

Ainsi, si un fondateur n’est pas capable de se frayer un chemin dans un réseau pour accéder à une société d’investissement en capital-risque, il est peu probable qu’il possède les compétences nécessaires pour naviguer dans les autres réseaux indispensables à la réussite d’une entreprise.

Même si cela peut sembler un peu dur, ce n’est pas le but. Le meilleur conseil jamais donné aux startups vient de Steve Martin : « Soyez tellement bon qu’ils ne puissent pas vous ignorer. » Dans ce cas, cela signifie : maîtrisez tellement bien l’art du réseautage qu’ils ne puissent pas passer à côté de vous. Les compétences que vous développerez en apprenant à approcher les investisseurs en capital-risque vous seront mille fois utiles pour développer votre startup de manière plus générale.

Quels chiffres sont les plus importants lorsqu’on investit à l’étape d’amorçage ?

Pour nous, au stade d’amorçage, plus de 90 % de la décision repose sur le parcours et les antécédents de l’équipe principale. Nous ne nous basons donc pas beaucoup sur les chiffres à ce stade. Nous misons presque toujours sur une équipe particulièrement exceptionnelle qui fait quelque chose de nouveau et d’intéressant : c’est une évaluation qualitative, non quantitative.

Comment les investisseurs évaluent-ils les startups qui ont réussi dans leur pays d’origine et cherchent à se développer sur le marché américain ? Se basent-ils sur les performances passées pour décider, ou bien la traction sur le marché américain est-elle indispensable avant que les startups ne commencent à contacter les investisseurs ?

Les investisseurs en capital-risque diffèrent sur ce point. Certains recherchent activement des entreprises qui réussissent en dehors des États-Unis, d’autres attendent de voir si ces startups peuvent réussir sur le marché américain, et certains n’investissent tout simplement pas dans les startups basées hors des États-Unis.

Dans notre cas, même si nous avons parfois investi dans certaines startups particulièrement remarquables basées en dehors des États-Unis, comme TransferWise et Improbable, nous investissons généralement soit dans des startups entièrement établies aux États-Unis, soit dans des startups qui adoptent ce que l’on pourrait appeler le « modèle israélien » : développer la R&D dans leur pays d’origine tout en implantant les fonctions SG&A (ventes, marketing, finance, juridique, etc.) aux États-Unis. Comme son nom l’indique, certaines des meilleures startups israéliennes appliquent ce modèle depuis 20 à 30 ans. Plus récemment, nous voyons des fondateurs issus de nombreux autres pays (Canada, Chine, Brésil, Argentine, Pakistan, et d’autres encore) suivre cette même approche.

On entend souvent dire que le pic de valorisation des startups remonte à 2015. Depuis, lever des fonds est devenu plus complexe et les startups les plus dépensières disparaissent peu à peu. Selon vous, que nous réservent les prochaines années en matière de valorisations ? Allons-nous vers de nouveaux sommets ou vers un ralentissement ?

On a un jour demandé à JP Morgan s’il pensait que le marché boursier allait monter ou baisser, et il a répondu : « Il fluctuera. » C’est aussi ma réponse ici :-) Je pense qu’il est impossible de prévoir ce genre de choses : pensez à toutes les personnes qui ont commencé à annoncer un nouveau krach technologique au milieu des années 2000 et qui, plus d’une décennie plus tard, continuent d’avoir tort.

Cela dit, je qualifierais le climat actuel du financement aux États-Unis de dynamique, mais un peu plus sélectif. Vous avez raison de dire qu’en 2015, le marché était quelque peu trop enthousiaste : pratiquement n’importe quelle startup pouvait lever des fonds, souvent à des valorisations qui, avec le recul, étaient bien trop élevées. Aujourd’hui, les startups les plus solides continuent d’attirer les investisseurs, tandis que celles dont les fondamentaux sont plus fragiles peuvent se heurter à davantage d’obstacles.

Quels conseils donneriez-vous à des entrepreneurs débutants qui rencontrent des investisseurs, afin d’éviter qu’ils acceptent des fonds provenant d’investisseurs qui ne seraient pas bénéfiques pour leur entreprise ?

C’est une excellente question. Les fondateurs devraient vérifier les antécédents des investisseurs en capital-risque, tout comme ces derniers le font pour les fondateurs. En tant que fondateur, je parlerai avec le plus grand nombre possible de personnes ayant déjà travaillé avec un investisseur donné : d’autres fondateurs, des investisseurs providentiels, des dirigeants, des avocats, etc.

Comme pour toute relation professionnelle, tout investisseur en capital-risque devrait être disposé à vous fournir une longue liste de personnes avec qui il a déjà travaillé et que vous pouvez contacter. Si un investisseur en capital-risque refuse de le faire, méfiez-vous, méfiez-vous, méfiez-vous.

Il existe de nombreuses questions que vous pouvez poser aux personnes de référence, mais je me concentrerai surtout sur la façon dont les investisseurs en capital-risque agissent sous pression. Tout le monde peut se montrer bienveillant et coopératif quand tout va bien, mais comme pour n’importe qui, le comportement des investisseurs en capital-risque peut varier énormément lorsque les choses se compliquent, et c’est souvent à ce moment-là que les fondateurs regrettent vraiment leur choix d’investisseurs.

Nous prévoyons de lancer notre produit en juillet et, si tout se passe bien, de lever notre Série A d’ici décembre. Quel est le meilleur moment pour commencer ce processus ?

Je pense qu’un processus bien organisé, sans perte de temps inutile, doit tout de même laisser aux investisseurs en capital-risque le temps nécessaire pour prendre une décision éclairée. Beaucoup d’entre eux se retireront simplement du processus s’ils n’ont pas suffisamment de temps pour faire leur travail. En règle générale, il faut compter trois à quatre mois pour l’ensemble du processus, depuis les premières prises de contact et réunions jusqu’à la signature des contrats et le versement des fonds. Si j’étais à votre place, je commencerais probablement les discussions vers septembre, période où la plupart des investisseurs reviennent de leurs vacances d’août (c’est triste, mais vrai).

Conseils pour les fondateurs

Que recommandez-vous en matière de tarification dans le SaaS avant d’atteindre l’adéquation produit-marché ?

La tarification dépend fortement du produit et du marché, il est donc difficile de donner un conseil général.

Mais si je devais donner un conseil général, je dirais que nous voyons bien plus de startups SaaS sous-évaluer leur produit que le surévaluer.

Le problème d’un prix trop élevé semble évident : en tant que consommateurs, nous avons tendance à acheter davantage lorsque les produits sont moins chers. On suppose donc qu’un prix plus élevé réduit les ventes.

Mais ce n’est pas ainsi que fonctionnent généralement les marchés B2B. Sur ces marchés, où les clients effectuent ce qu’on appelle un achat raisonné, le résultat d’une analyse des options à la fois objective et rigoureuse, les startups qui pratiquent des prix trop bas se heurtent à ce que j’appelle le problème du « trop affamé pour manger ». En fixant leurs prix trop bas, elles ne génèrent pas assez de revenus par contrat pour justifier l’investissement commercial et marketing nécessaire à la conclusion de ces contrats. À l’inverse, en pratiquant des tarifs plus élevés, la startup peut se permettre d’investir dans une véritable stratégie de vente et de marketing, ce qui lui permettra généralement de remporter bien plus de contrats qu’un concurrent proposant un produit bon marché avec un budget de mise sur le marché limité.

En résumé : en cas de doute, doublez les prix :-)

Lorsque nous parlons à un investisseur potentiel, devons-nous lui parler de nos projets précédents qui ont échoué ?

Il existe un vieux slogan commercial : « Si vous ne pouvez pas l’éviter, mettez-le en avant. » Racontez comment vous avez exploré différentes idées avant d’arriver à celle qui fonctionne, celle que vous avez aujourd’hui. En procédant ainsi, vous montrez votre détermination et votre capacité à vous adapter aux circonstances, deux qualités précieuses chez un fondateur.

Ce qu’il ne faut surtout pas faire, c’est cacher des informations importantes. Ne pas informer les investisseurs potentiels de faits négatifs que vous savez pertinents pour eux est une très mauvaise idée. Au-delà de la question éthique, il y a une considération très concrète : les investisseurs finissent presque toujours par découvrir la vérité, que ce soit au cours de leur contrôle préalable ou de leurs vérifications de références. Lorsqu’un investisseur découvre, pendant ces vérifications, qu’un fondateur a déjà dissimulé de mauvaises nouvelles, il en déduit que ce fondateur pourrait recommencer à l’avenir, et qu’on ne peut donc pas lui faire confiance. Il vaut bien mieux être le fondateur qui fait preuve de transparence, de clarté et de recul lorsqu’il évoque les difficultés passées, ainsi que les enseignements qu’il en a tirés.

Vous avez indiqué qu’un bon marché peut compenser une équipe ou un produit moyen. Quels marchés vous semblent actuellement sous-exploités ?

Je n’ai généralement pas d’avis sur un marché en particulier. Je constate que les startups qui réussissent ont souvent un caractère très singulier : elles combinent plusieurs éléments, notamment le produit, le marché, l’équipe, le modèle économique, le moment, la culture, la stratégie et les tactiques, d’une manière unique. Je ne pense donc pas qu’il soit pertinent d’examiner un seul de ces éléments, comme le marché, de façon isolée.

Cela dit, plusieurs secteurs restent aujourd’hui largement délaissés par la technologie avancée et les startups : la santé, l’éducation, l’immobilier, les transports, le droit, le gouvernement, la défense et les services financiers.

Vie de l’esprit

Quels sont les livres dans votre bibliothèque dont vous ne partagez pas les points de vue ou les affirmations, et quelle est la source de votre désaccord ? À quelle fréquence relisez-vous ces livres par rapport à ceux dont vous approuvez le contenu ?

C’est une excellente question.

J’ai été influencé par bien trop de livres pour tous les citer, mais en voici quelques-uns auxquels je reviens souvent :

  • The Sovereign Individual—Écrit il y a 20 ans, c’est le livre le plus stimulant que j’aie lu sur la nature émergente du XXIsiècle. Chaque page regorge d’idées, dont certaines sont aujourd’hui devenues des évidences, tandis que d’autres restent encore hérétiques. Deux lectures complémentaires à découvrir : The Twilight of Sovereignty et Cryptonomicon.

  • The Baroque Cycle—Une œuvre de fiction historique minutieusement documentée, subtilement teintée de science-fiction. Neal Stephenson y raconte la naissance du monde moderne et de ses grands systèmes : démocratie, méthode scientifique, marchés financiers, avec une perspective aussi brillante qu’originale. Une œuvre qui pousse à se demander : que raconterait le Neal Stephenson de 2300 sur notre époque et sur nous ?

  • The Innovator’s DilemmaThe Lean Startup, et Zero to One forment la trilogie de référence sur l’art et la science des startups technologiques modernes. Presque chaque page de ces ouvrages peut prêter à débat, mais, dans leur ensemble, ils offrent une structure intellectuelle précieuse que j’aurais aimé avoir lorsque j’ai commencé en 1994.

  • Le livre que j’attends le plus est The Square and the Tower, qui explore l’essor, le déclin et la renaissance des réseaux, ainsi que la lutte éternelle entre réseaux et hiérarchies à tous les niveaux de la vie humaine.

Au cours des 10 années qui se sont écoulées depuis la rédaction de cet article sur l’adéquation produit-marché, avez-vous identifié de nouveaux signaux forts ou faibles que vous utilisez pour déterminer si une entreprise a atteint cette adéquation ?

Nous avons récemment rédigé deux articles de blog sur ce sujet précis :

En tant qu’entrepreneur à la tête d’une startup, surtout si votre activité peut avoir un impact majeur sur la vie des gens, devez-vous constamment évaluer les conséquences éthiques potentielles de vos choix commerciaux, ou préférez-vous laisser les choses suivre leur cours, vous concentrer sur la croissance et laisser le marché trancher ?

Je pense qu’il est toujours important, dans la vie comme au travail, d’avoir conscience de l’impact éthique de ses actions et de ses réalisations. Pratiquement tous les fondateurs de startups compétents que je connais réfléchissent en profondeur aux aspects éthiques de leur entreprise, contrairement à ce que peuvent dire certains observateurs extérieurs.

Cela dit, l’histoire montre qu’il est particulièrement difficile de prévoir les avantages comme les inconvénients d’une nouvelle technologie. L’exemple le plus classique est celui de l’arme nucléaire : de nombreux inventeurs de la technologie nucléaire nourrissaient, à juste titre, de sérieuses inquiétudes quant à l’usage qui serait fait de leurs travaux. Et pourtant, l’arme nucléaire a non seulement contribué à mettre fin à la Seconde Guerre mondiale et, selon toute vraisemblance, permis d’épargner des vies tant aux États-Unis qu’au Japon, mais on peut aussi soutenir que son existence, ainsi que la dissuasion nucléaire, ont empêché une troisième guerre mondiale catastrophique entre les États-Unis et l’URSS, qui aurait pu coûter la vie à des centaines de millions de personnes dans les décennies suivant la Seconde Guerre mondiale.

En observant cet exemple et bien d’autres, je pense qu’il faut rester prudent lorsqu’on anticipe les effets négatifs des nouvelles technologies. Parfois, ces prévisions s’avèrent justes, mais le plus souvent, elles révèlent simplement un manque d’imagination et de clairvoyance quant aux bénéfices positifs à venir.

Le logiciel dévore le monde

Avez-vous constaté des changements dans le profil ou la personnalité des fondateurs de nouvelles entreprises par rapport aux 10 à 20 dernières années ? Si oui, quels changements ou quelles tendances avez-vous observés ?

Je pense qu’il y a deux changements majeurs qui sont en quelque sorte opposés l’un à l’autre :

Tout d’abord, il ne fait aucun doute qu’un nombre bien plus important de très jeunes fondateurs créent aujourd’hui des entreprises. L’essor des accélérateurs, incubateurs, investisseurs providentiels, fonds d’amorçage, plateformes de financement en ligne et autres a considérablement facilité la création d’entreprise par rapport à il y a 20 ans. Ainsi, de plus en plus d’entreprises fondées par des personnes plus jeunes et moins expérimentées voient le jour. C’est une excellente chose, car cela élargit à la fois le nombre d’expérimentations que l’écosystème des startups peut mener chaque année et la base de talents de ceux qui les construisent.

Deuxièmement, il y a 20 ans, la plupart des startups étaient ce que j’appelle des « créatrices d’outils » : elles concevaient des outils comme des puces, des systèmes d’exploitation, des routeurs ou des bases de données, puis les vendaient à des entreprises ou à des consommateurs pour qu’ils les utilisent comme ils l’entendaient. Aujourd’hui, en revanche, de plus en plus de startups sont dites « full stack » : au lieu de créer des outils, elles conçoivent des technologies qu’elles exploitent directement pour pénétrer les marchés finaux et concurrencer les acteurs établis. Ces startups full stack sont plus exigeantes sur le plan opérationnel et nécessitent souvent des fondateurs et dirigeants plus expérimentés. On retrouve donc, au sein de ces startups, des fondateurs et des membres clés d’équipe plus âgés, plus expérimentés et dotés de solides compétences opérationnelles.

L’immobilier est une préoccupation pour de nombreuses entreprises (en particulier les startups). Pensez-vous que ce secteur connaîtra à l’avenir une perturbation liée aux logiciels ? Si oui, de quel type et dans quelle mesure ?

Je pense que c’est un problème absolument majeur, en particulier pour les startups établies dans les grandes zones urbaines populaires, comme la région de la baie de San Francisco. Ce problème touche aussi bien l’immobilier commercial que résidentiel (bureaux et logements). Le secteur est totalement ouvert à des startups capables de bousculer le marché et d’avoir un réel impact, que ce soit dans l’immobilier commercial ou résidentiel. Nous avons déjà investi dans plusieurs d’entre elles, et la plus réussie jusqu’à présent est Airbnb.

Je pense qu’il existe deux grandes catégories de perturbations potentielles évidentes.

La première forme de perturbation vise à transformer l’immobilier commercial et résidentiel tel qu’on le connaît, pour le rendre plus performant, plus abordable et plus accessible. J’inclurais dans cette catégorie les innovations dans les transports qui rendent l’immobilier plus accessible en général : par exemple, les voitures autonomes devraient rendre le temps de trajet bien plus productif, ouvrant ainsi les zones périphériques à davantage de logements pour les professionnels.

La deuxième forme de disruption consiste à éliminer complètement le besoin de colocalisation géographique. Une blague récurrente dans la Silicon Valley illustre bien cela : « Recherche ingénieurs pour une startup développant un logiciel de collaboration en ligne sur des projets complexes. Ils doivent accepter de déménager à San Francisco. » Aussi drôle que véridique, je suis convaincu que la téléprésence et les logiciels de collaboration permettront à terme un travail à distance bien plus étendu et des équipes virtuelles, réduisant ainsi l’importance des bureaux partagés. Et cela ne pourra pas arriver trop tôt.

Historiquement, les grandes technologies ont d’abord été adoptées comme passe-temps par des esprits visionnaires. Quelles tendances de loisirs observez-vous actuellement ?

Excellente question. Nous appelons cela « ce que les passionnés font le soir et le week-end ». C’est la source la plus fiable de nouvelles idées dans notre secteur, qui finiront par être largement adoptées.

En ce moment, nous voyons une incroyable énergie de passionnés, le soir et le week-end, dans des domaines comme la cryptomonnaie, le biohacking, le quantified self, la biologie synthétique, la réalité virtuelle, les drones et les voitures autonomes.

Voyez-vous des opportunités ou des inconvénients dans les secteurs fortement réglementés, comme les technologies de la santé et juridique ?

Oui, à la fois les opportunités et les inconvénients.

Les opportunités sont immenses : les secteurs fortement réglementés, comme la santé et le droit ont tendance à être très vastes et encore peu servis par les technologies avancées. D’un point de vue économique, ils représentent une part importante du PIB tout en affichant une faible croissance de productivité, ce qui crée un potentiel considérable pour les startups.

Mais les inconvénients, ou les risques, sont eux aussi considérables. Ces marchés présentent généralement trois caractéristiques difficiles. Premièrement, ils sont fortement réglementés, ce qui les rend globalement difficiles à pénétrer. Deuxièmement, ils souffrent souvent de ce qu’on appelle la « capture réglementaire » : les entreprises déjà en place dans ces secteurs ont tendance à façonner le système de régulation à leur avantage afin d’écarter la concurrence. Et troisièmement, ces marchés dépendent souvent fortement des subventions publiques destinées aux consommateurs, ce qui fait du gouvernement un payeur majeur, voire parfois le seul payeur, et il peut être très difficile d’amener l’État à financer quelque chose de nouveau, même lorsque cette solution est bien meilleure.

En résumé, ces marchés sont très attractifs pour les meilleurs fondateurs, prêts à faire face à une complexité et à des difficultés supplémentaires.

Avis de non-responsabilité : les informations contenues dans ce guide ne constituent en aucun cas des conseils, recommandations, avis ou médiations d'ordre juridique ou fiscal. Ce guide et l'usage que vous en faites n'ont pas pour objet de créer une relation du type avocat-client entre vous et Stripe, Orrick ou PwC. Ce guide reflète uniquement les opinions de l'auteur, qui ne sont pas nécessairement approuvées ou partagées par Orrick. Orrick ne garantit pas l'exactitude, l'exhaustivité et la pertinence des informations contenues dans ce guide. Stripe vous recommande de consulter un avocat compétent ou un comptable agréé dans votre pays pour obtenir des conseils concernant votre problème spécifique.

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