Ce guide est un extrait du livre d'Elad Gil, High Growth Handbook, publié par Stripe Press. Il a pour objectif de vous aider à surmonter les défis les plus complexes que rencontrent les start-up.
Les nouveaux PDG et entrepreneurs m'appellent souvent pour discuter de la manière dont ils doivent structurer leur entreprise. Ils me demandent fréquemment s'ils doivent embaucher un directeur des opérations, qui est censé superviser leur vice-président du marketing, comment faire pour distinguer leurs équipes technique et produits, ou encore si leur division internationale doit disposer de ses propres fonctions ou être rattachée à leur siège aux États-Unis.
Les entrepreneurs pensent souvent qu'il existe une approche « précise » pour structurer leur entreprise et que les conséquences pourront être désastreuses s'ils ne la suivent pas au pied de la lettre. Ils se trompent. Il n'existe généralement pas d'approche tout indiquée, et structurer son entreprise se veut davantage un exercice de pragmatisme. En d'autres termes, il s'agit de parvenir à définir la structure adaptée compte tenu des talents à disposition, de l'ensemble des initiatives à mener et de l'horizon temporel de 1 à 18 mois de votre entreprise.
Voici quelques éléments clés qui vous seront utiles concernant la structure des organisations :
Une entreprise qui se développe rapidement est amenée à se métamorphoser tous les 6 à 12 mois
À l'époque où j'ai rejoint Google, la société est passée de 1 500 à 15 000 employés en trois ans et demi. Dans le cas de Twitter, il a fallu moins de trois ans au réseau social pour que ses effectifs passent de 90 à 1 500 employés après le rachat de ma start-up. Une entreprise qui croît aussi rapidement devient littéralement une autre tous les six mois. Cela signifie que tous les 6 à 12 mois, sa structure est susceptible d'être modifiée.
À l'heure de choisir la structure organisationnelle de votre start-up à forte croissance, concentrez-vous sur les 6 à 12 prochains mois. Ne vous mettez pas en quête d'une solution à « long terme » : dans la durée, votre entreprise se sera métamorphosée et ses besoins seront radicalement différents. Si votre équipe dirigeante finira par se stabiliser, les équipes qui lui sont subordonnées subiront des réorganisations plus fréquentes, à mesure que la taille de votre entreprise augmentera.
Il n'y a pas d'approche « tout indiquée »
Il n'existe généralement pas d'approche type pour structurer son entreprise. Il s'agit plutôt d'une série de compromis. Deux structures différentes peuvent être tout aussi « bonnes » que « mauvaises ». Ne tergiversez pas trop. Même si vous commettez une erreur dommageable, vous aurez les moyens de la réparer.
Signalez à votre équipe que la croissance rapide de votre entreprise va forcément engendrer des changements. Expliquez-lui clairement que tout cela est normal, qu'il s'agit d'une preuve de réussite, et que cette situation s'applique à toute entreprise qui se développe rapidement.
Polyvalence vaut parfois mieux qu'ultraspécialisation
Disposer d'une direction polyvalente peut s'avérer plus intéressant que d'adopter une chaîne hiérarchique traditionnelle. Par exemple, Alex Macgillivray, l'ancien directeur juridique talentueux de Twitter a, outre le service juridique, cumulé à différents moments sous sa responsabilité l'assistance aux utilisateurs, la confiance et la sécurité, le développement de l'entreprise, les fusions et acquisitions, mais aussi d'autres divisions. Si la plupart de ces services ne relèvent généralement pas d'un directeur juridique, Alex Macgillivray était suffisamment talentueux pour assumer davantage de responsabilités en l'absence d'autres cadres et faire preuve de polyvalence. Ses responsabilités étaient ensuite transférées à mesure que de nouveaux responsables étaient engagés ou promus.
En tant que PDG, vous devez examiner votre équipe et répartir les secteurs fonctionnels en fonction des personnes qui ont le temps et les compétences nécessaires pour s'y consacrer et les mener vers la réussite. Pour autant, cela ne veut pas dire que ces personnes devront être affectées aux mêmes secteurs pour toujours. Rappelez-vous, rien n'est tenu d'être permanent. Il arrive aussi que certaines répartitions n'aient aucun sens du point de vue scission ou compétences. Par exemple, votre vice-président de l'ingénierie ne devrait probablement pas superviser les ventes en plus de sa fonction première. En revanche, il pourrait si besoin gérer les équipes conception et produits sur le court terme, voire à plus long terme si cela s'avère pertinent.
La structure d'une entreprise a souvent à voir avec la notion d'arbitrage
Dans l'absolu, les chaînes hiérarchiques sont intrinsèquement liées à la question de la prise de décision. Par exemple, sachant qu'il existe une tension naturelle entre ingénierie et gestion de produit, il convient de vous demander à quel niveau vous souhaitez que les principales décisions soient prises en cas de désaccord entre ces deux équipes. Si une personne supervise ces deux départements, elle sera en fin de compte amenée à jouer le rôle de médiateur. Avoir cette hypothèse à l'esprit au moment de penser la structure de son entreprise peut être intéressant.
Embauchez des cadres pour les 12 à 18 mois à venir, pas à perpétuité
En tant que fondateur ou PDG surmené, il peut être très tentant d'essayer d'embaucher des dirigeants qui resteront en poste aussi longtemps que possible. Cette attitude conduit à la surembauche ou au recrutement d'individus qui seront probablement inefficaces à votre échelle actuelle. Par exemple, vous n'avez nul besoin d'un vice-président de l'ingénierie qui a dirigé une entreprise de 10 000 personnes alors que la vôtre ne compte que 20 ingénieurs. Engagez plutôt quelqu'un qui a supervisé une équipe de 5 à 100 collaborateurs, et qui peut faire évoluer votre entreprise au juste niveau au cours des 12 à 18 prochains mois. Soit cette personne évoluera en même temps que l'équipe, soit vous devrez embaucher quelqu'un d'autre pour lui succéder. Dans son livre The Hard Thing About Hard Things, Ben Horowitz présente un point de vue intéressant à ce sujet.
Bien entendu, si les dirigeants que vous engagez évoluent en même temps que vos activités, c'est tant mieux. Disposer d'une équipe dirigeante stable est un atout majeur pour une entreprise. En revanche, même si cette équipe n'évolue que très légèrement au fil du temps, vous devez avoir conscience que votre structure organisationnelle peut quant à elle changer plus rapidement.
Il n'existe pas de structure parfaite pour une entreprise. Cette entité dynamique vit et évolue avec le temps, tout comme le squelette organisationnel sur lequel elle est construite. En tant que PDG, concentrez-vous sur une solution pragmatique pour les 6 à 12 prochains mois, plutôt que sur la solution idéale à long terme.
Mise en œuvre d'une réorganisation
En période d'hypercroissance de votre entreprise, votre équipe sera en moyenne doublée tous les 6 à 12 mois. À ce rythme, vous pourriez passer de 20 à ~300 collaborateurs en deux ans et de 500 à 1 000 en quatre ans. Rapidement, de nouvelles fonctions feront leur apparition (départements financier, des RH, juridique) et vous vous développerez probablement à l'international tandis que vos stratégies produits s'enrichiront et que de nouvelles divisions verront le jour ou seront acquises dans l'entreprise.
En réalité, tous les 6 à 12 mois, vous dirigerez ou travaillerez dans une entreprise différente, dont la plupart des employés vous aura rejoint au cours des 12 derniers mois. À l'époque où je travaillais chez Google, l'effectif de 1 500 ou 2 000 employés que j'ai connu au départ a plus ou moins été multiplié par 10 pour atteindre 15 000 personnes au moment où j'ai quitté l'entreprise, soit trois ans et demi après. Ma start-up a été rachetée alors que Twitter comptait ~90 employés. Lorsque j'ai plus tard quitté mon poste à temps plein, le réseau social avait dépassé le seuil des 1 000 collaborateurs. Quatre-vingt-dix pour cent des employés Twitter faisaient alors partie de l'entreprise depuis à peine deux ans et demi.
À mesure que votre entreprise se développe et se complexifie, vous devrez également en modifier la structure organisationnelle pour tenir compte des nouveaux dirigeants, des nouvelles fonctions, de l'augmentation du nombre d'employés, ainsi que de l'évolution de son alignement par rapport à votre marché et à vos produits. En d'autres termes, votre entreprise connaîtra fréquemment des réorganisations.
Si votre équipe dirigeante finira par se stabiliser, les équipes qui lui sont subordonnées subiront des réorganisations plus fréquentes, à mesure que la taille de votre entreprise augmentera.
Dans un premier temps, la plupart de ces réorganisations se feront au niveau de la direction, pour ensuite se répercuter en cascade vers le bas de la pyramide. L'ajout de nouveaux secteurs fonctionnels aura pour conséquence d'affiner la répartition des rôles de direction. Par exemple, l'intégration d'un directeur marketing ou de tout autre responsable de l'expérience client pourra conduire à l'assimilation sous sa fonction de certains rôles exécutifs subordonnés.
Réorganisations à l'échelle de l'entreprise et au niveau fonctionnel
À ses débuts, il se peut que vous réorganisiez régulièrement l'ensemble de votre entreprise. Mais, une fois les 500 à 1 000 employés atteints, les réorganisations fonctionnelles devraient prendre le pas sur les transformations globales, par exemple avec des changements dans la structure de l'équipe commerciale, plutôt que dans toutes les équipes à la fois. À ce stade, certaines équipes, notamment celle de vente, sont plus susceptibles d'être régulièrement réorganisées tandis que d'autres, telles que les équipes technique et produits, ont tendance à rester plus stables. Cela s'explique en partie par l'augmentation des effectifs dans certains services particuliers où les besoins évoluent plus rapidement du fait du passage d'une approche exclusivement centrée sur les produits à une approche davantage axée sur la commercialisation. Les plus importantes réorganisations globales liées à la croissance de l'entreprise se produiront ensuite lors d'un changement simultané au niveau des équipes technique, produits et commercialisation, de l'ajout de nouvelles gammes de produits ou d'acquisitions, et s'il y a passage d'une organisation matricielle à une organisation du type unité opérationnelle ou bien d'une internationalisation centralisée à décentralisée.
En tant que PDG, vous devrez très tôt devenir adepte des réorganisations. Plus tard, à mesure qu'elles laisseront place à l'organisation fonctionnelle, vous devrez vous assurer que votre équipe dirigeante est malgré tout en mesure de les gérer. La plupart des entreprises et des nouveaux responsables ratent leur première, voire leur seconde réorganisation, ce qui cause des désagréments qui pourraient être évités. Voici ci-dessous un guide concernant ces réorganisations.
Marche à suivre pour procéder à une réorganisation
1. Définir la raison pour laquelle vous avez besoin d'une nouvelle structure organisationnelle. Déterminez quelle est la structure adaptée et la raison pour laquelle elle est plus pertinente que la précédente. Avez-vous besoin de concentrer vos efforts sur un domaine spécifique ? Rencontrez-vous des problèmes de collaboration ? Votre équipe qui s'est considérablement agrandie a-t-elle besoin d'un encadrement supplémentaire ? Un changement sur votre marché vous oblige-t-il à réaligner vos priorités fonctionnelles ou vos employés qui travaillent ensemble ? Commencez par vous demander pourquoi exactement vous devez procéder à une réorganisation, puis réfléchissez à la structure hiérarchique et organisationnelle qui conviendrait le mieux.
2. Déterminer la structure organisationnelle la plus pragmatique. Qui dans votre équipe de direction est surchargé, et qui est polyvalent ? Qui excelle dans l'art de la gestion ? Lesquels de vos domaines pourraient être associés ? Ces questions n'ont pas forcément qu'une seule bonne réponse et c'est à vous qu'il revient de trouver l'équilibre entre polyvalence et logique de la situation.
Tandis que vous déterminez le rôle de chacun et la structure hiérarchique appropriée, souvenez-vous que la perfection n'existe pas.
Devriez-vous disposer d'une organisation interfonctionnelle entre les équipes technique et produits ou alors d'unités de produits verticales ? Votre internationalisation devrait-elle être distribuée ou centralisée ? Ce type de questions se pose constamment à mesure que les entreprises se développent, et certaines y répondent en alternant les structures au fil du temps (Oracle est supposée changer son organisation internationale à intervalles réguliers de quelques années).
De même, la hiérarchisation revient à un exercice d'arbitrage, dans la mesure où son objectif est d'amener les personnes susceptibles d'être en désaccord à ne dépendre que d'un seul décideur (il peut s'agir du PDG comme d'un membre moins haut placé dans l'entreprise).
3. Obtenir l'accord des personnes pertinentes avant la mise en œuvre. Si vous en avez la possibilité, consultez quelques cadres dont les fonctions seront les plus touchées par le changement. Ils pourraient vous en apprendre davantage sur l'impact d'une réorganisation fonctionnelle donnée sur leur propre domaine opérationnel (par exemple, la réorganisation de l'équipe produits pourrait avoir des répercussions sur la structure des équipes technique et conception).
Les réorganisations ne doivent jamais faire l'objet de discussions ouvertes avec l'ensemble de l'entreprise (ni avec une division fonctionnelle spécifique) concernant la nouvelle structure à adopter. Cela ne ferait que vous exposer aux pressions, au battage politique interne et à l'appropriation, en plus de faire monter l'inquiétude. Les réorganisations sont censées se faire rapidement et moyennant le moins de perturbations possible.
4. Annoncer la réorganisation, puis la mettre en place en 24 heures. Une fois que vous avez décidé de la forme que prendra votre nouvelle organisation, discutez-en avec vos subordonnés lors de leurs entretiens individuels. Vos cadres doivent disposer d'un plan clair qui définit quand et comment communiquer les changements aux membres de leur équipe. Si des collaborateurs clés se retrouvent largement impactés par ces changements, ou pourraient être en désaccord, vous ou l'un de vos subordonnés pouvez organiser un entretien juste avant ou dans la foulée de votre annonce pour écouter ce qu'ils ont à vous dire et réaffirmer la logique qui a motivé ces changements.
Vous ne devez jamais faire traîner une réorganisation ni l'annoncer à l'avance. Essayez d'éviter les déclarations du type : « Cette semaine, nous réorganisons le service produits, et le mois prochain nous passerons à l'équipe technique. » Si possible, toutes les composantes de la réorganisation doivent être communiquées et mises en œuvre simultanément. Si vous annoncez une première partie de la réorganisation au préalable, l'équipe concernée attendra que sa mise en place soit terminée pour se remettre correctement au travail. Dans l'intervalle, cela favorisera les messes basses dans les salles de conférence où se mêleront ragots et spéculations, folles rumeurs et pressions des cadres.
5. Informer de la réorganisation chacun des membres de l'équipe dirigeante afin qu'ils se tiennent prêts à répondre aux éventuelles questions de leur équipe. Si la réorganisation concerne ou affecte une portion suffisante de personnes dans l'entreprise, les cadres doivent en être informés à l'avance. Au besoin, rédigez une FAQ interne et faites-la circuler.
6. Éliminer toute ambiguïté. Pensez à l'affectation de chacun, ne faites pas les choses à moitié. Une fois votre réorganisation annoncée, vous devriez, si possible, connaître l'affectation de la quasi-totalité de votre équipe. La pire situation pour les collaborateurs est de ne pas savoir ce que l'avenir leur réserve.
Dressez la liste des personnes les plus susceptibles d'être en désaccord et contactez-les rapidement suite à votre annonce ou parlez-leur avant que le changement n'ait lieu, si nécessaire. Veillez ensuite à vous rendre disponible pour ces personnes afin de pouvoir leur expliquer la logique derrière votre décision.
7. Communiquer franchement, clairement et avec compassion. Ne tournez pas autour du pot. Expliquez ouvertement ce qui se passe et pourquoi. Écoutez ce que les gens ont à dire, mais affirmez vos choix.
Il y aura toujours des personnes en désaccord avec une restructuration organisationnelle. Même si ce n'est pas le cas, celles-ci pourront avoir l'impression d'être lésées niveau promotion ou encore rétrogradées. Restez à l'écoute, et voyez si à l'avenir vous avez la possibilité de répondre à leurs besoins. En revanche, évitez un maximum de revenir sur vos décisions. Votre réorganisation intervient pour une bonne raison, et si vous commencez à faire des exceptions pour les trouble-fête, vous risquez de vous détourner de votre idée première et de montrer que vous êtes ouvert au débat.
Tout comme le licenciement, la réorganisation peut ne pas être une expérience agréable. Certains seront sans doute déçus de leur nouveau rôle ou de la restriction de leurs responsabilités. Toutefois, une réorganisation correctement pensée vous permettra de gagner en efficacité opérationnelle et d'emprunter la voie de la réussite. Il s'agit d'une étape nécessaire pour assurer le succès à long terme de votre entreprise.
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